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Photo du rédacteurNoire Lemag

Tatouages : dans les coulisses

Par Amy

Parution février 2014



Eh non, ne partez pas tout de suite ! Ceci n'est pas un dossier tatouage comme les autres ! Chez Noire, on a envie de vous parler d'autre chose : la réalité du métier de tatoueur. Que se cache-t-il derrière les aiguilles ? Amy a enquêté pour vous...


Quand on veut parler de tatouage, c'est toujours intéressant de s'attarder un peu sur la réalité de la pratique : dîtes bonjour au rapide historique du tatouage.


Bien que les origines de cette pratique soient assez floues, la première trace de tatouage aurait été trouvée sur les restes d'un homme préhistorique ! Rien que ça ! Il s'agissait de représentations très schématiques dont on ignore l'utilité ou la signification.


Par la suite, on considère que les pionniers du tatouage se trouvent en Polynésie, dans le savoir des tribus ancestrales maories. A l'époque, on les réalisait en en taillant des ossements d'albatros en aiguille trempés dans une une encre noire à base de pigments naturels. L'aiguille insère l'encre sous les couches supérieures de l'épiderme, rendant le tatouage indélébile. Ces symboles, à l'origine, définissaient le statut social ou la tribu de l'individu qui les portait. Ils incarnaient ses animaux totem ou les esprits d'êtres chers qu'il avait perdu. On appelle cette technique de tatouage le tamoko.


Lorsque les Européens ont envahi la Polynésie, les chrétiens ont interdit le port des tatouages (comme ils l'avaient fait en Europe) et presque deux générations de maoris se sont vues contraintes de renier leurs traditions. Aujourd'hui, le rituel du tatouage maori et l'esthétique s'est transmise à travers le globe. C'est désormais une réelle discipline de tatouage.




En Europe, le tatouage existait déjà en Grèce et ou en Rome Antique, mais le savoir se serait perdu suite à l'interdiction de l'Eglise Catholique. C'est le navigateur James Cook, grand explorateur du Pacifique qui nous aurait permis de redécouvrir cette pratique au cours d'un de ses voyages, au XVIIIème siècle.


Dès lors, le tatouage a surtout été adopté par des marins, qui traçaient leur voyage sur leur peau ou se tatouaient une croix sur leur dos pour se prémunir contre la punition de la flagellation (il était interdit d'abîmer une image religieuse). Il était destiné aux classes marginales de la société, comme les pirates, les prostituées et les criminels. C'était un signe disctinctif, parfois choisi et parfois apposé de force par les autorités. Pendant longtemps, il était donc associé aux individus peu fréquentables. Pas étonnant que le tatouage ait si mauvaise réputation encore aujourd'hui !


Outre les forbans et les prisonniers de notre belle Europe, le tatouage est un art bien présent chez les Yakuzas japonais (l'équivalent nippon de notre mafia). A l'époque, le tatouage était interdit au Japon, car réservé aux criminels. Le tatouage yakuza emploie les aiguilles les plus fines du monde et comme pour le tatouage maori, tout se fait entièrement à la main. Le processus est très long et douloureux. Ce type de tatouage est plein de couleur et de symboles allégoriques, de talisman, comme la carpe koï, sensé apporter le succès, le tigre qui confère la force ou le dragon, symbole de protection. Aujourd'hui, c'est devenu une discipline classique du tatouage, souvent appelé le "tatouage japonisant". Il est élégant, raffiné, détaillé et très poétique. Cependant, au Japon, il reste associé à la Mafia et les individus tatoués continuent à être discriminés.




Avec le temps, le tatouage s'est démocratisé. Au XXème siècle, les punks, les hippies, les rockeurs s'approprient la pratique et la popularisent auprès du grand public. De nos jours, le tatouage est une pratique courante, mise en avant par de nombreuses célébrités médiatiques et présente à tous les niveaux de la société.


Si les psychologues ont longtemps considéré le tatouage comme une sorte d'exutoire à un certain mal-être, une façon de se faire du mal indirectement ou de hurler son inconfort face à son corps, ils sont désormais plus enclins cela comme une démarche artistique plus qu'autodestructrice. De plus, beaucoup d'experts reconnaissent la très forte dimension commémorative du tatouage : beaucoup de gens entreprennent cette démarche en mémoire d'un proche décédé ou un événement marquant de leur vie dont ils désirent garder une trace.


Du coup, depuis tout récemment, on commence à envisager les vertus curatives du tatouage, en plus de ses atouts esthétiques. Ainsi, la jeune irakienne Basma Hameed, brûlée au visage suite à un accident domestique, s'est intéressée aux propriétés de cet art ancestral. Après plusieurs opérations de chirurgie esthétique qui ont échoué à lui rendre son visage, elle se dit qu'il doit être possible après tout, de le redessiner sans passer par l'opération. Elle réalise de nombreuses recherches, basée sur les techniques de repigmentation mammaire utilisée lors des reconstructions du sein.


Elle a finalement redessiné ses traits, sa peau, pour dissimuler cicatrices et rougeurs. Et ça a marché. Elle a désormais ouvert deux cliniques spécialisées dans la reconstruction faciale par le tatouage au Québec et à Chicago et fondé une association destinée à financer la reconstruction facile d'autres victimes plus démunies "Basma Hameed Survivors Foundation Charity". Comme quoi il est bien loin le temps où le tatouage était réservé aux mauvaises fréquentations !




Basma Hameed (photo resharelt)


Mais attention, n'importe qui ne peut pas s'improviser tatoueur. Il ne s'agit pas de dire "allez hop, un bout d'os de mouette et une cartouche Reynolds et c'est parti, je tatoue ma grand mère sur la fesse droite !" Cela ne marche pas comme ça et je vais vous le prouver !


La suite de ce dossier est consacrée directement au métier de tatoueur. Pour ce faire, je m'appuierai notamment avec mes discussions avec Turbo Zéro et avec Lio du studio Iron Ink, tous deux situés à Nantes ; ainsi que mon entrevue avec Aurélie M., apprentie tatoueuse chez Grafik Tattoo sous la houlette de Mikael Madelaine.


Tout d'abord, il faut faire une demande de SIRET auprès de l'URSSAFF. On se déclare en tant qu'artiste ou en tant que tatoueur pour être en règle. Pour ouvrir son propre salon, il faudra passer par la chambre du Commerce et se déclarer comme profession libérale. Enfin, il faut être enregistré comme AURES auprès de l'Agence Régionale de la Santé (ARS). Pfiou, que de paperasserie !


D'une manière générale, le statut juridique de tatoueur (et de pierceur) est très flou. La profession n'étant pas reconnue par l'Etat Français, uniquement tolérée, d'où la formation. Le tatoueur n'est ni commerçant, ni artisan et ses droits ou recours sont de fait, limités. C'est le grand drame de la profession, d'ailleurs. Le manque de contrôle ou de règlementation entraîne des dérives et avec Internet, des kits d'apprentis tatoueurs sont vendus à des pris modiques. En conséquence, tout le monde aujourd'hui peut s'improviser tatoueur sans l'être et cela nuit à l'image de la profession.



Les conditions d'hygiène


Un bon tatoueur fera attention à la propreté de son salon. Un tatouage réalisé dans les de mauvaises conditions peut avoir des conséquences désastreuses sur votre santé, causer des infections, des allergies et même des maladies graves. Le tatouage n'est pas anodin, il s'agit d'une aiguille qui pique sous la peau. Il ne faut pas prendre ça à la légère. Amélie, Lio ou Rocky me le diront texto. Tout le matériel doit être stérilisé à l'aide d'une machine spéciale et à usage unique. Ainsi, la machine à tatoueur sera stérilisée entre chaque usage et l'aiguille sortie de son emballage au moment de tatouer. L'encre est versée dans de minuscules pots en plastique qui seront jetés ensuite et les tatoueurs portent des gants en latex à usage unique. Quelle logistique !


De son côté, le client doit aussi se soumettre à quelques règles d'hygiène. La partie qui sera tatouée doit être rasée (le tatoueur le fait souvent sur place) puis soigneusement nettoyée au savon et désinfectée.


Après le tatouage, on répétera l'opération, on enduira le tatouage de vaseline ou de crème hydratante spéciale puis on le recouvrira d'un pansement. Nombre de tatoueurs utilisent le cellophane pour couvrir le tatouage et il est recommandé d'utilisé l'Hypafix en guise de pansement durant la cicatrisation. Le cellophane (couplée à une généreuse couche de crème hydratante) ou l'Hypafix permettent de conserver le tatouage dans une atmosphère humide et de l'empêcher de sécher et donc de croûter. Il cicatrisera mieux, plus vite et sera moins susceptible d'être abîmé et de nécessiter des retouches.


Et sinon, y a des trucs qu'ils tatouent tout le temps ?


Rocky Zéro me confie qu'on lui demande très souvent le symbole du Hellfest, c'est celui qu'il fait le plus. Lio' me dit que les tatouages à la mode, comme les dates de naissances ou les chiffres romains sur la clavicule, façon Rihanna sont souvent demandés mais qu'ils leur arrivent de refuser. Chez Grafik Tattoo, où officie Aurélie, ce sont les tribals ou les lettrings qui reviennent tout le temps. Les artistes profitent de leur renommée pour faire ce qu'ils préfèrent. Et c'est bien normal, n'en déplaise à la clientèle éconduite.

Le mot de la fin


Le tatouage est une discipline complexe et chaque tatoueur a ses spécificités, ses styles de prédilection. Rocky adore encrer en rouge et vert, Lio' trippe sur le old school... Tin-tin, le meilleur tatoueur de France et fondateur du Syndicat National des Artistes Tatoueurs, s'emploie sur du japonisant et du réaliste. Il faut du temps pour apprendre à pratiquer, mais ce qui fait vivre la discipline, c'est la passion à la fois des professionnels mais surtout de ses clients et adeptes !


A retrouver dans Noire numéro 2

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Tags : #tatouage

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