Par Anaïs
Première parution en novembre 2013
A 30 ans, bientôt 31 (mais chut, c'est un secret qu'il ne faut pas divulguer) The Bat Int The Hat, de son vrai nom Stéphanie, a réussi à creuser son petit trou parmi les créatrices de mode alternative qui pullulent sur la toile. Ma foi, fort sympathique, elle s'est gentiment prêtée au jeu des questions réponses pour votre magazine préféré !
Anaïs : Quand avez-vous commencé la couture ?
The bat in the hat : Houla je ne suis pas du genre à m'accrocher aux dates ! Ça fait plus de 6 ans sûr, car le jour de mes 25 ans, j'étais dans un salon. J'avais commencé un peu avant pour moi et puis j'ai vendu sur Ebay aussi. Je triturais la machine quand j'avais 18-19 ans mais vu que je n'avais aucune patience, j'ai vite lâché prise, ça ne ressemblait à rien, c'était nul. Je m'y suis vraiment remise en licence/maîtrise à la fac, j'avais énormément de temps libre et peu de moyens pour sortir ou acheter des fringues sympa. Je suis allée au marché de la ville et j'y ai trouvé quelques tissus cool et pas cher. J'ai bricolé des trucs, j'ai appris à être plus patiente et plus réfléchie. Puis, j'ai fini par y prendre goût.
Anaïs : Du coup, quand a commencé l'aventure "The Bat In The Hat" et surtout, comment ?
The bat in the hat : Une aventure, oui c'est le mot, avec ses hauts et ses bas. Un peu comme dans Indiana Jones et le Temple Maudit, lorsqu'il est dans le wagon de la mine (Rires). Ça a commencé doucement au départ, il n'était pas question d'en faire mon travail, je voulais garder ça comme un hobby à côté. Je bossais dans la banque avant, je cousais le week-end et je faisais quelques expos. Puis, est arrivée la crise, celle des subprimes, qui a pas mal secoué le monde de la finance... En quelques mois, c'était fini. "Merci, bonsoir" ! J'ai essayé de retrouver autre chose mais c'était difficile (en plus, j'habitais en Picardie). Il a fallu que j'avise avec les cartes que j'avais en main. J'ai fait une maîtrise Arts du Spectacle spécialisation cinéma audiovisuel, ce qui m'a apporté pas mal niveau culture, mais rien au niveau professionnel. "The Bat In The Hat", c'est la seule chose que j'ai réussi à construire. Alors pourquoi ne pas continuer dans cette voie. On me disait que je me débrouillais plutôt correctement, alors j'ai décidé de miser là-dessus. Et puis, c'était mieux que de ne rien faire. Je ne supporte pas l'inactivité, ça me met mal à l'aise et j'ai l'impression de perdre mon temps.
J'ai fini par m'investir là-dedans et puis un jour, j'ai fait un pas de plus en "officialisant" et en me déclarant. Depuis, je suis à 100% dessus et je ne conçois plus de vivre sans, c'est ma raison de vivre, ce qui parait stupide quand je me revois dire que ce n'était qu'un hobby.
Anaïs : En dehors de "The Bat In The Hat", avez-vous une autre activité ?
The Bat In The Hat : Non, je fais ça à 100%. J'y passe mes journées et une partie de mes nuits même. Heureusement que je trouve un peu de temps pour avoir une "presque" vie sociale (Rires). Sinon, j'adore cuisiner, je voudrais pouvoir y consacrer plus de temps, mais je ne peux pas.
Anaïs : Internet joue-t-il vraiment un rôle important dans le développement de votre boutique ou est-ce que les salons sont plus intéressants ? Qu'est-ce qui marche le mieux pour faire connaître son activité ?
The Bat In The Hat : Oui sans Internet je ne serais sûrement rien ! Je ne fais quasi jamais de salon. Un par an et encore, quand je peux me le permettre. En vrai, les salons, les expos, ça me stresse, déjà parce que cela nécessite une grosse logistique, surtout quand on fait un tas de trucs et surtout : je me suis toujours considérée comme une vraie chauve-souris. Non, je ne dors pas la tête en bas mais je reste toujours tapie dans l'ombre. J'aime me cacher et j'aime l'anonymat. Je ne suis pas du tout asociale, au contraire, mais je n'aime pas être mise en avant. En plus, je suis assez sensible de nature et parfois (souvent même) les gens ne se rendent pas compte à quel point ils peuvent être violents dans leurs propos lorsqu'ils se retrouvent face à vos créations. Il y a bien plus de compliments que de critiques, certes, mais vous savez ce que l'on dit, il faut parfois 10 bonnes choses pour en oublier une seule mauvaise. Plusieurs fois, je me suis retrouvée en larmes sur un salon, pour des compliments super émouvants aussi bien que pour des commentaires vraiment violents. J'ai la larme facile, en plus ! Il fut un temps où je vendais des pièces dont j'étais "fière", je pleurais de les voir partir, car c'est un peu de moi que je mets dedans. Aujourd'hui, je me suis calmée, mais du coup je préfère rester dans l'ombre, cachée. Cela m'évite de me mettre à nu devant des inconnus car à chaque fois, c'est une épreuve.
Je ne suis pas une pro du marketing, alors du coup, je n'ai pas vraiment de conseils à donner. Je m'occupe dans mon coin, je ne fais pas vraiment de pub car je n'ai pas envie de saouler tout le monde avec ça. Même en salon, je laisse les gens tranquilles, ils regardent et s'ils veulent me poser une question, pas de soucis, je ne vais jamais les "brusquer" avec le riff du "Je peux vous aider ?".
Anaïs : Parlez-moi un peu de vos clientes, des demandes que l'on ne vous fait pas souvent... Quel public visez-vous ? Quel public vient vers vous ?
The bat in the hat : Je pense qu'il y a de tout, mais personnellement je n'en sais trop rien, je ne fais pas de statistiques et je ne vois pas vraiment mes clientes en vrai, de plus, je ne leur pose pas de questions. Je ne cible personne en particulier, je fais juste ce que j'aime, ce qui me correspond, après que les gens aiment ou non, s'y retrouvent ou non. Parfois, certaines me suivent depuis des années, d'autres c'est plus passager, selon leurs changements de goûts, de style. Et puis, moi aussi, j'évolue, enfin j'essaie. Niveau demandes, j'ai de tout... Surtout les modèles et aussi des gens qui veulent que l'on reproduise des modèles. Du genre "Tu peux me faire un Black Milk moins cher ?" ou "Je voulais ce manteau chez Zara, mais il n'y a plus ma taille". Cela me fait souvent rire, mais bon, c'est à se demander si les gens font un peu attention à ce qu'ils trafiquent.
Anaïs : Comment s'organise la sphère des créatrices de mode sur Internet ? Vous connaissez-vous entre vous, vous fréquentez-vous ? (nous avons interviewé Freaky Pink dans le numéro précédent, la connaissez-vous ?)
The bat in the hat : Non, je ne la connais que de vue je crois. Je ne sais pas vraiment si on peut se dire "organisées" mais je pense que c'est selon les affinités surtout. Si l'on fait plein de salons, il y a moyen de créer plus de liens. La plupart que j'ai connu, je les ai rencontrées sur des expos ou via un gros forum de filles où beaucoup étaient inscrites (Toxic Store). C'est plus ou moins là que je me suis fait connaître et pas mal d'autres aussi. Après, je vais être franche, les amitiés se font et se défont vite dans le milieu. Même si beaucoup vous diront le contraire, et font mine que tout est rose et cool ! Ce n'est pas le cas du tout ! Entre jalousie, plagiat et crêpage de chignons via Facebook interposé, c'est parfois la fosse aux serpents. En même temps, chacune essaie de défendre ce pour quoi elle a durement travaillé (pour celle qui a vraiment bossé) mais parfois ça part super loin...
Anaïs : Quels conseils donneriez-vous à une jeune fille qui veut se lancer dedans ?
The bat in the hat : Hum, je sèche ! Je n'ai moi-même fait aucune étude dans la création, ni la couture. J'ai tout appris moi-même, avec de l'observation, de la patience et un peu de rigueur. Je ne suis pas du tout au top, j'ai encore des tas de choses à apprendre, surtout que seule c'est long, mais bon, j'aime apprendre. Les réseaux sociaux, c'est pas mal, mais il faut s'en méfier comme de la peste, c'est un outil assez traître. J'ai une page et mon compte perso est assez restreint (environ 130 personnes) où je râle tout le temps (Rires). La clientèle est dure à faire, mais aussi à garder. J'essaie toujours d'être irréprochable, mais parfois, ça rate quand même alors je fais de mon mieux pour assurer une sorte de SAV. J'ai la phobie des échecs et pour moi, une personne non satisfaite de mon travail est un échec. Bon, il y a des pinailleurs aussi, là c'est particulier.
Anaïs : Au final, comment tirer son épingle du jeu au milieu de toutes les créatrices indépendantes travaillant sur le net ?
The bat in the hat : Et bien personellement, je voudrais bien savoir aussi (Rires). Je ne sais pas s'il y a une recette gagnante.
The Bat In The Hat en liens :
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A retrouver dans Noire numéro 2
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