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Photo du rédacteurNoire Lemag

Le romantisme noir

Par Anaïs

Première parution mars 2015





Crédits photo : Johann Heinrich Füssli "Le rêve du berger"


Des grands bouleversements sociaux et des avancées techniques et scientifiques majeures : c'est ce qu'il aura fallu pour que le Romantisme voie vraiment le jour. Un mouvement de la fin XVIIIème qui connaît son apogée au XIXème siècle, en réaction à tous ces changements et révolutions qui sévissent à travers l'Europe pendant cette période. Définir un lieu de naissance précis n'est pas facile, pour beaucoup il débute en Allemagne, pour d'autres en Angleterre. En fait, il semblerait que ce soit un phénomène quasi simultané dans plusieurs villes et aussi dans plusieurs domaines. On retrouve l'idée du Romantisme d'abord dans la littérature et le roman, mais cela va très vite s'étendre à la peinture, la sculpture, la musique et même la danse. Et plus étonnamment encore, en politique.


Le Romantisme se caractérise par les thèmes qu'il aborde, il met en avant une forme d'introspection en se concernant sur les sentiments, souvent excessifs, de son inconscient, il y a aussi une volonté de s'évader dans des voyages, des rêves (ou cauchemars) et de retourner à la nature et au passé.


Ces thématiques sont générales et s'appliquent à tous les domaines du Romantisme, mais ici, on s'attardera uniquement sur la peinture. Et comme la peinture romantique est divisée en plusieurs courants et concepts, je vous parlerai d'un seul d'entre eux, mais pas des moindres !



Crédits photo : William Blake "Le grand dragon rouge"



On va donc surtout s'intéresser au Romantisme Noir, qui est pour moi le concept le plus jusqu’au-boutiste du Romantisme. Bienvenue dans les méandres du pessimisme et de la noirceur.


Pour le coup, le Romantisme Noir rompt totalement avec le classicisme. Il n'y a plus aucune règle et les mesures de bienséance sont oubliées. On explore les plus bas instincts de l'homme et son inconscient. Goya consacrera beaucoup de ses œuvres à la psyché humaine et surtout à sa folie. Pour lui, la "créature" la plus terrifiante était l'homme, qui pouvait commettre les pires choses. Je vous laisse admirer son eau forte (ci après) "Le songe de la raison engendre des monstres" et ses toiles sur le cannibalisme dont les thèmes et les titres sont plutôt parlants.


Et paradoxalement, même si le Romantisme s'inscrit dans un contexte de grandes découvertes scientifiques et médicales, donc vers un certain rationalisme, les artistes vont encore plus loin dans l'irrationnel. Et le fait qu'il y ait un peu de recul de l'Eglise face à l'Etat participe beaucoup à cela. La religion permettait de ne pas avoir peur de l'avenir et de la mort et elle expliquait l’inexplicable. Cela pousse donc à trouver une autre issue notamment à la mort. La mort qui sera une des bases du Symbolisme Romantique, mais pour en savoir plus sur ce courant, il faudra lire le prochain post de ce blog !



Crédits photo : Goya "Le songe de la raison engendre des monstres" (détail)


Bizarrement, même si la croyance en Dieu s'atténue petit à petit, elle laisse place à d'autres qui sont pourtant (selon moi) liées comme le Diable, la superstition ou encore l'occultisme (ça ne veut pas dire que les romantiques sont des satanistes et qu'ils pratiquent la magie noire mais qu'il y a une véritable fascination pour le Malin qui se crée). Le Mal l'emporte sur le Bien et il serait à l'origine des troubles de l'homme. La pièce de Goethe, "Faust" (1808), en est un bon exemple avec un bon chrétien qui pactise avec le diable pour avoir ce que Dieu ne lui a jamais donné. La dimension de la corruption par le Mal est souvent représentée dans la peinture. Von Holst et Delacroix on peint beaucoup de scènes tirées de Faust, par exemple, mais on retrouve aussi cela dans les fameux Cauchemars de Füssli où l'image de jeunes femmes pures est ternie par les démons.


Et inévitablement, s'en suit un retour au monde médiéval avec ses légendes, son bestiaire et son aspect sombre et presque mystique (puisque cette période était encore vue comme une parenthèse obscurantiste). On ressort aussi le folklore et ses créatures maléfiques. Ce qui a le plus fasciné les Romantiques sont les sorcières et les esprits. Les sorcières représentent parfaitement ce que je vous décrivais plus haut, envoyées par le Diable, elles pervertissent le monde en se transformant en la créature la plus redoutable qui soit : la femme (Von Stuck, Schwabe, Mortimer...)


Et c'est là l'un des principaux caractères du Romantisme Noir, montrer que la beauté est parfois terrifiante et pourrie de l'intérieur. Mais on voit aussi l'inverse se produire comme pour les esprits qui font plutôt peur à la base. Schwind et Durupt montrent des fantômes jeunes, purs et beaux, qui contrastent avec le milieu qui les entoure.



Crédits photo : Von Stuck "Tête de Méduse"


Il y a aussi beaucoup de paysages très sombres et mélancoliques, brumeux et nuageux, souvent de nuit et avec des édifices en ruine, où là aussi on retrouve un héritage médiéval avec une architecture gothique et une nature vide et morte. Pour les Romantiques, la nature représente un peu le miroir de l'âme, rendant les paysages inquiétants avec un ton assez dramatique. Friedrich, qui a peint énormément de paysages, pensait que l'âme et la sensibilité de l'artiste devaient se refléter dans la nature et qu'une représentation fidèle n'était pas le devoir du peintre. Blechen, Géricault et Munch se sont aussi illustrés dans ce domaine.


Mais d'autres types de décors apparaissent, notamment en Angleterre, notamment avec Martin et Colman qui représentent des scènes d'apocalypse montrant que rien n'est plus fort que la nature. On a donc beaucoup de mouvement et de dynamisme. Et ici, c'est une architecture antique qui est privilégiée.


Evidemment, tout ça n'est que le "gros" du Romantisme Noir, beaucoup d'autres thèmes et de manières de représenter toutes ces angoisses existent, énormément d'artistes ont participé à ce mouvement, pendant une période plus ou moins courte et certains dont on ne se douterait pas comme Mucha ou Munch. Hugo était lui aussi un acteur de ce courant autant dans les textes que dans ses encres. Mais ce qu'il faut retenir, c'est que le Romantisme Noir inverse totalement les rôles en montrant une forme de laideur à travers la beauté. Il affiche les fascinations les plus étranges ét dérangeantes. Et même aujourd'hui, son influence est toujours présente, des artistes comme Dali ou Ernst ont eu leur période "Noir", mais c'est surtout dans le cinéma qu'on le voit le plus avec des réalisateurs comme Murnau, Christensen ou Whale dont les histoires et l'esthétique sont largement inspirés du Romantisme.


A découvrir dans le numéro 7 de Noire

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