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Photo du rédacteurNoire Lemag

Les bods mods de l'extrême - Première partie

Entre performance et mode de vie

Par Amy

Première parution septembre 2015



Sylvain alias Freaky Hoody, photo AFP



Le corps comme outil, comme support et œuvre à la fois, les bodmodeurs de l'extrême n'ont qu'un credo : pas de limite. Ou plutôt, les repousser.


Lorsqu'on parle de bodmods ou body modifications (modifications corporelles en français, donc), on pense immédiatement aux piercings et aux tatouages, devenus pour ainsi dire communs aujourd'hui, voire carrément à la mode dans une certaine mesure. Car si désormais un piercing dans le nez ou un second trou dans les oreilles est perçu comme "normal", il en va différemment, par exemple, des piercings aux joues, ou une dizaine d'anneaux dans chaque oreille. Idem pour les tatouages, un petit symbole infini dans le creux du poignet ou une phrase en écriture cursive dans un endroit discret ne choquent plus personne, tandis qu'une manche entière a tendance à faire sourciller davantage. Pourtant, les bodmods, c'est beaucoup plus que cela et il existe une multitude de pratiques moins répandues sinon moins connues dans le milieu... Tout d'abord, commençons par le commencement : qu'est-ce- que les bodmods ?


D'après Wikipedia, une modification corporelle est une transformation du corps d'un individu dans un cadre culturel. En anthropologie, on parle de modification corporelle pour désigner les modifications corporelles artificielles, contrôlées et délibérées, excluant les mutilations punitives ou celles relevant de troubles psychiatriques. Les phénomènes naturels tels que la croissance, la grossesse, la vieillesse ou des traitements médicaux et chirurgicaux entraînant des modifications du corps ne sont pas considérées comme des bodmods.


Okay, passée la minute scolaire, on peut réellement dire que la bod mod est quelque chose de choisi par les gens et qui implique, à mon avis, une dimension artistique et une volonté d'embellir son corps. Alors, on en revient au début : on est familiers de certaines pratiques, devenues tendance et plus ou moins communes. Mais, aujourd'hui, nous sommes là pour parler des bodmods de l'extrême, c'est à dire des modifications qui défient l'imagination. Nous allons parler de gens tatoués de la tête aux pieds, d'implants subdermaux, de multi-piercings etc...


Maria Jose Cristena, la femme-vampire, Photo Legal Cheek


Peut-être avez-vous entendu parler de Lucky Diamond Rich, l'homme le plus tatoué du monde selon le Guinness Book des Records. En effet, cet homme, artiste de cirque, a commencé par se faire tatouer comme tout le monde, jusqu'à en recouvrir son corps. Ou encore, comparse de Guinness Book, le désormais célèbre Zombie Boy ou Rick Genest, qui tire son nom d'une opération neurochirurgicale dans son enfance. Rick détient le record du monde de tatouages d'insectes et d'os (oui, il existe un record du monde pour ça !). D'autres recordmen et recordwomen existent bien entendu comme The Enigma, Lizardman ou l'homme-léopard mais je vous laisserais vous renseigner sur ces figures de proue du tatouage extrême.


Même si ces gens sont intéressants de par la performance artistique qu'ils représentent, c'est d'une troisième catégorie de personnes dont je veux vous parler. Ceux qui, au-delà de l'encre, modifient réellement leurs corps, le corps humain, pour le transformer en autre chose. Qu'il y ait une simple volonté esthétique ou un motif plus profond derrière, il s'agit là de dépasser le stade du simple "embellissement" du corps, en entreprenant des changements plus radicaux allant jusqu'à en modifier la forme.


Parmi ceux-là, j'ai relevé cinq modèles que je trouve particulièrement intéressants et fascinants. Laissez-moi vous présenter Henry Jesus, l'homme qui veut ressembler à Red Skull (la némésis de Captain America dans l'univers Marvel), Jenya Bolotov, l'homme ornithorynque, Dennis Aver "The Stalking Cat", Elaine Davidson, recordwoman du nombre de piercings et enfin, Maria José Cristerna, The Vampire Woman (photo plus haut).


Jenya Bolotov, l'homme ornithorynque, photo Cosmopolitan


Henry Jesus cherche à ressembler à Red Skull dans Marvel. Du coup, pour y parvenir, Henry s'est fait poser de nombreux implants subdermaux sur le crâne et les sourcils, est en train de se faire tatouer tout le corps en rouge et vient récemment de se faire ôter une partie du nez (une opération assez sanglante, dont les photos sont dispo sur le Facebook du type). Il est même allé jusqu'à se faire tatouer les globes oculaires, une pratique que je vois de plus en plus sur les réseaux sociaux (et honnêtement, je trouve ça plutôt stylé). On n'en sait pas beaucoup plus sur lui ou sa personnalité mais la démarche reste pour le moins surprenante. J'essaie de ne pas porter de jugement sur les envies de chacuns en terme de bodmods et de rester objective, mais j'avoue que ce genre de transformation, pour "ressembler à quelqu'un", c'est quelque chose que j'ai du mal à comprendre. Peut-être que j'envisage les bodmods comme une manière afin de le façonner à sa propre image et non pas à celle d'un reflet extérieur. Du coup, je suis toujours un peu perturbée par ce genre de démarche. Et vous, qu'en pensez-vous ?


Jenya Bolotov (photo plus haut) pour sa part, n'a pas choisi de ressembler à un personnage de fiction mais à un animal qu'on pourrait en effet croire sorti tout droit d'une fable mythologique : l'ornithorynque. Si, comme moi, le concept vous laisse perplexe et vous amène à vous demander "mais, comment on fait pour ressembler à un ornithorynque ?", sachez que Jenya a la réponse. Tatouages de sourcils, écarteurs dans les narines et énorme stretching des deux lèvres afin de reproduire le bec de canard, on ne peut qu'admirer sa détermination quand on connait le temps nécessaire pour obtenir pareil stretching. Il dit qu'il fait cela pour ressembler à son animal favori et... c'est tout. Moi, une question me turlupine vraiment : comment fait-il pour manger ?


L'exemple de Jenya m'interpelle au-delà de la blague, parce qu'il m'amène à reconsidérer, à l'instar des hippo-ears de Oskar Klasson, sur les limites du corps humain. Nous paraissons si fragiles, et pourtant notre corps, notre peau, nos muscles sont capables de s'adapter à énormément de choses, comme 10 cm de disque à l'intérieur de nos lèvres ou absorber l'encre d'un tatouage. Je suis toujours admirative de ce genre de choses. Et oui, ça vaut aussi pour les cous de de girafe en Afrique, les mini-pieds en Chine ancienne ou les os dans le nez en Papouasie Nouvelle Guinée. Qui sont d'ailleurs des bodmods fascinantes et imprégnées d'une culture qui nous échappe... (ndlb : on en parle dans Noire numéro 12, lien à la fin de cet article si vous voulez poursuivre votre découverte des bodmods).


Elaine Davidson, Photo Wikipedia


Dans la série du dépassement des limites, Elaine Davidson en détient le record. Elle est en effet recordwoman du nombre de piercings. La première fois qu'elle s'est présentée, en 2000, elle possédait quelques 472 piercings, dont environ 190 sur le visage. Aujourd'hui, quinze ans plus tard, elle détient un nouveau record : celui de détenir ce record depuis autant d'années. En même temps, elle ne s'est pas arrêtée en si bon chemin depuis les années 2000 , il va être dur de dépasser les 9000 piercings qu'elle recense ! Oui, vous avez bien lu, 9000 ! Elle en déclare plusieurs centaines sur son visage et ses parties génitales, et on estime le poids total à plus de trois kilos. Est-ce que vous pouvez imaginer ?


Elaine se produit à Londres et à Edimbourg dans des shows de rue mettant en scène ses nombreux piercings dont elle réhausse l'extravagance à l'aide de ses tatouages et d'un maquillage colorés aux accents exotiques. Auparavant tenancière d'un restaurant, elle détient désormais son propre studio de piercings et tatouages.


Le profil et l'histoire d'Elaine sont intéressants. En effet, elle a fait son premier piercing en 1997 et celui-ci se trouvait sur ses parties intimes. Elle déclare l'avoir fait pour elle-même uniquement et ne pas vouloir que ça se voit à l'époque. Un long chemin parcouru depuis. Mais surtout, ce qui m'interpelle, c'est qu'elle avoue avoir fait autant de piercings pour réaliser son rêve de toujours : figurer dans le Guinness Book des Records. On a assez peu d'informations sur ce qu'est la vie d'Elaine, mais ce que je sais, c'est qu'elle continue à tout faire pour rester recordwoman. Elle gagne de l'argent grâce à son activité de pierceuse mais également grâce aux photoshoots qu'elle réalise sur demande et autres déplacements artistiques. Cependant, elle déclare être parfaitement heureuse et vouloir continuer sur la voie qu'elle a choisie. Elle insiste sur le faite qu'elle ne boit pas et qu'elle ne se drogue pas, mais que sa résistance à la douleur est si forte qu'elle cherche sans cesse à repousser ses limites.


Aujourd'hui, Elaine possède une bonne vingtaine de piercings sur la langue, au point où cela l'empêche de parler normalement. On entend clairement en vidéo, qu'elle ne peut plus articuler de la même façon. Les médecins affirment qu'il n'y a aucun risque à posséder autant de trous dans le corps et qu'Elaine peut continuer sans crainte. De même, celle-ci affirme ne jamais les enlever, et que cela ne la gêne en aucun cas dans la vie de tous les jours, ni pour manger ni pour dormir. Elle doit juste particulièrement veiller à leur hygiène permanente !


Elle est impressionnante, en tout cas à mon avis. Je reste cependant plutôt choquée de voir jusqu'où certaines personnes sont prêtes à aller pour la célébrité. Je suis ravie pour elle qu'elle ait pu accomplir son rêve et s'épanouir ainsi, mais tout de même... 9000 !


Note de la blogueuse : retrouvez la deuxième partie de cet article dans la semaine !



En attendant vous pouvez lire notre numéro 12 et plus particulièrement notre article sur les bodmods traditionnels (PDF GRATUIT) : ici


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