top of page
Photo du rédacteurNoire Lemag

Le symbolisme

Par Cécile

Première parution Mars 2015



Gustave Moreau "L'apparition"


"Nommer un objet, c'est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème qui est faite du bonheur de deviner peu à peu : le suggérer, voilà le rêve. C'est le parfait usage de ce mystère que constitue le symbole."


Stéphane Mallarmé


Qu'est-ce que le symbolisme ?


Nous sommes à la fin du XIXème siècle, période de renouveau, de changement. Tout va vite et rien ne laisse place à l'imagination. Un terrain propice pour la naissance de mouvements artistiques comme le réalisme et le naturalisme. Cependant, une autre volonté moins terre à terre va gagner l'Europe, une envie d'évasion et d'onirisme, qui se confronterait au quotidien gris. Ce désir va amener à la création d'un autre mouvement artistique : le symbolisme.


Le symbolisme crée le mystère, là où le réalisme et le naturalisme vont dépeindre les vérités mornes du capitalisme et de la Révolution Industrielle. Le symbolisme, c'est l'art du déguisement, c'est capturer une idée abstraite à travers une image concrète, impliquant une interprétation. Le lecteur ou le spectateur devient ainsi un enquêteur, dont les sens seraient la clé pour rassembler les indices menant à la résolution du message crypté montré par l'image, qu'elle soit écrite ou peinte. Il va de soi que la métaphore, l'analogie et même l'allégorie sont les outils phares de ce mouvement, compliquant ainsi le déchiffrement de l'idée.


Le symbolisme comporte cinq grands piliers, qui permettent de le reconnaître en tant que tel :

-> Représentation de l'idée

-> Traduire l'idée par une image ( métaphorique pour l'écrit, visuelle pour la peinture)

-> Expliquer l'idée par l'image

-> Transformer l'idée en message (l'idée n'est pas objet mais sujet de l'image)

-> Décoratif : Le mélange de l'idée et de l'image doivent générer de la beauté.


Pour simplifier, on pourrait dire que le symbolisme est à l'idée, ce que le livre est la pensée : une transcription de l'abstrait.


On peut rapprocher l'expérience symboliste de la synesthésie, sorte de lien entre différents sens, comme le rapprochement de la vue et de l'odorat dans l'esprit : La silhouette d'une personne associée à son odeur par exemple ou une musique associée à une sensation de douceur dans les doigts. Le symbolisme rassemble le sensible et l'imaginaire, comme une antithèse devenant complémentaire.



"Le baiser" Gustav Klimt



Le symbolisme en peinture


Beaucoup d'artistes ont eu des accointances avec le symbolisme mais les plus connus restent tout de même Gustave Moreau, Gaston Bussière et Gustav Klimt (oui, encore lui !).


Gustave Moreau (1826 - 1898) était un voyageur. Mais, l'Italie est certainement le pays qui l'a inspiré le plus dans ses œuvres. Surtout l'Italie Antique. Les personnages féminins qu'il représente reprennent les canons de la beauté latine et les légendes associées à ses peintures et gravures sont issues de l'imaginaire de grands écrivains romains. C'était un grand amateur du Titien et de Michel-Ange, dont les fresques et les peintures ont été recopiées par ses soins. Son slogan : "L'évocation de la pensée par la ligne, l'arabesque et les moyens plastiques, voilà mon but".


Gaston Bussière (1862 - 1928) n'était pas seulement peintre, mais aussi illustrateur. Il a ainsi mis en images des romans d'Honoré de Balzac comme "Splendeurs et misère des courtisanes" ou encore "Salomé" d'Oscar Wilde. Ses peintures, gravures et illustrations sont caractérisées par leurs couleurs vives, le mouvement des personnages et bien sûr, leur mystère.


Gustav Klimt (1862 - 1918) est un artiste autrichien qui a dit merde aux conventions. J'en parlais il y a quelques temps dans mon article sur l'art nouveau (plus tôt dans ce blog), il est également partie prenante du mouvement symboliste de part son univers onirique et étrange. Gustav Klimt a participé à la création d'un art moderne, décalé et pourtant si proche d'un Bussière ou d'un Moreau, quand on y regarde de plus près. L'imaginaire y est toujours palpable, représenté par des formes, des personnages ou encore des végétaux qui s'entremêlent.


"Vêtir l'idée d'une forme sensible, qui ne serait pas son but à elle-même, mais, qui en servant à exprimer l'idée, demeurerait sujette".


Le manifeste du symbolisme, Jean Moréas (Le Figaro, 1886)



Le symbolisme à l'écrit


Le symbolisme est plutôt associé à la poésie, car le roman, ne peut pas se permettre de mettre l'histoire en arrière-plan, au profit de la langue. Un roman qui ne serait que métaphores et allégories ne serait plus qualifié de roman. La poésie se prête mieux à l'exercice : les mots sont déguisés, les sons évoquent d'autres paysages. Cependant, il ne s'agit pas seulement de faire des rimes et des jolis sons.


La poésie symboliste se targue d'exprimer l'inexprimable, de montrer l'invisible. Comme nous l'avons vu plus haut avec l'image, elle doit traduire la pensée et l'imaginaire, d'une manière compréhensible mais pas transparente. C'est là que le mythe du poète maudit intervient. Le poète, qui ne vit que dans ses mots et ne parvient plus à transcrire sa pensée sur le papier. Ce poète qui s'évade dans "Les paradis artificiels" afin de découvrir d'autres mondes pour les griffonner dans un petit coin, au fil de l'eau. La frontière entre le réel et l'onirique devient de plus en plus fine et au final, les deux s'entremêlent et se répondent. La poésie seule permet de passer de l'autre côté du miroir.


Le symbolisme est donc l'art du rêveur, perdu entre la réalité sensible et l'imaginaire désinvolte. Il s'approprie son monde, le rendant beau, mais différent et l'interprète à sa manière. L'univers devient un mélange étrange en plusieurs dimensions, qui se répondent et se comprennent. Une vraie révolution, face aux conventions rigides de l'art académique, qui permet la diffusion d'un art nouveau et crée les bases de ce 20ème siècle, terre promise de changements et d'idées nouvelles.



"L'île des morts" Arnold Boecklin



"Soupir" de Stéphane Mallarmé


Mon âme vers ton front où rêve, ô calme sœur,

Un automne jonché de taches de rousseur,

Et vers le ciel errant de ton œil angélique

Monte, comme dans un jardin mélancolique,

Fidèle, un blanc jet d’eau soupire vers l’Azur !

– Vers l’Azur attendri d’Octobre pâle et pur

Qui mire aux grands bassins sa langueur infinie

Et laisse, sur l’eau morte où la fauve agonie

Des feuilles erre au vent et creuse un froid sillon,

Se traîner le soleil jaune d’un long rayon.




A découvrir dans le numéro 7 de Noire

Cliquez sur l'image pour le lire en pdf



Comments


bottom of page