Par Amy
Première parution en novembre 2013
Le phénomène auto-nommé des "fangirls" prend de plus en plus d'ampleur sur Internet. Mais qui sont-elles ? Et surtout que font-elles ? Et puis d'ailleurs, pourquoi "elles" ?
La fangirl (ou fille fan pour les puristes du français), c'est une nana comme les autres de prime abord. C'est votre voisine, votre camarade de classe, votre cousine ou la boulangère sympa au coin de la rue. Mais, le soir, rentrée chez elle, un peu à la manière des vampires, la fangirl revêt son second visage.
Pas de panique cependant, elle ne mange personne à priori, ne fait de mal à personne non plus. Elle se contente, dans son coin, d'être totalement addict à, en général, un acteur, ou un personnage de fiction (souvent incarné par ledit acteur, d'ailleurs). Elle peut être également totalement accro à une certaine série, un film, un livre ou un manga. La fangirl, d'une manière un peu grossière et généralisée, c'est une fille totalement gaga d'un truc, qui pour le commun des mortels, n'a que peu ou pas d'interêt.
Les fangirls s'organisent en "fandoms" (domaines de fans, donc) en fonction de leurs goûts. On peut faire partie d'un ou plusieurs fandoms, le deuxième cas de figure étant le plus courant. A titre d'exemple et parmi les plus courants, les fandoms liés à Harry Potter, Star Wars, Star Trek, le Seigneur des Anneaux, Twilight, la franchise Marvel des Avengers ou des séries comme Teen Wolf, Supernatural, Doctor Who, Glee ou Sherlock BBC, sans oublier les incontournables mangas, avec des niches constituées par Naruto, Dragon Ball Z, Full Metal Alchemist, Death Note etc...
La chambre d'Emmie, follement Star Wars du sol au plafond !
Ce ne sont que quelques exemples parmi les fandoms les plus actifs de la toile. Car, en effet, le phénomène a pris de l'ampleur avec l'essor d'Internet, qui a permis le développement d'une multitude de plateformes que les fangirls se sont appropriées pour s'exprimer.
Au début existaient les fanfictions, lancées notamment par la saga Star Trek, qui consistaient à créer une histoire en lien avec celle de l'oeuvre originale. Il peut s'agit alors d'imaginer la suite de l'histoire existante, d'y imaginer des scénarios alternatifs, de développer des relations amoureuses (ou non) qu'on juge insuffisantes ou inexistantes, ou carrément de se réapproprier univers et personnages et faire quelque chose de nouveau. Un nouveau genre est carrément apparu, qui consiste à changer les personnages d'univers, par exemple, imaginer les protagonistes du Seigneur des Anneaux allant à l'université de New York : c'est ce qu'on appelle un Univers Alternatif.
La fanfiction offre un éventail extrêmement large en termes de créativité. La discipline implique entre 80% et 90% de filles mais la moyenne d'âge varie d'une extrême à une autre. On commence en général la fanfiction vers 12-13 ans mais il n'est pas rare de tomber sur des auteurs de plus de 40 ans. C'est un milieu très prolifique. Les écrits foisonnent, qu'ils soient bons ou mauvais. Les genres sont infinis, même si la romance prédomine. Les fangirls se plaisent beaucoup à réinventer les histoires d'amour des personnages, de toutes les manières possibles. En plus des couples dit "du canon", c'est à dire ceux présents dans l'oeuvre de base, on distingue de nombreux autres "pairings". Une des disciplines majeures de la fanfiction, elle aussi lancée par le fandom Star Trek dans les années 70 est le développement des relations homosexuelles entre les personnages.
Il y a des tutos sur Youtube afin de nous aider à nous lancer, comme celui-ci proposé par Angélina D
C'est ce qu'on appelle le Yuri ou le Femslash (selon si vous vous sentez l'âme japonisante ou shakespearienne) lorsqu'il s'agit de deux femmes, et de yaoi ou slash, pour les relations entre hommes. Autant vous dire que ce dernier genre est plus que surrepresenté !
Mais, au-delà de la fanfiction, au début publiée dans des fanzines ou de dans des cercles littéraires privés, le développement d'Internet a permis aux fangirls de se retrouver et d'échanger. Le site le plus connu est bien entendu FanFiction.net, qui regroupe une grande majorité des oeuvres dans toutes les langues, mais d'autres passerelles voient également le jour comme Archive of Our Own (très anglophone), fanfiction.fr (pour les français, donc) ou les sites spécialisés dans un seul fandom. Il est très facile de les trouver sur la toile en tapant les bons mots-clés !
Non contentes de s'arrêter là, les fangirls ont littéralement envahi la toile. D'abord avec des blogs, dédiés à leurs passions, et désormais la formidable passerelle d'échange que constitue Tumblr. Elles s'organisent en réseaux à l'aide des fameux hashtags et échangent scoops, bandes annonce, fanfictions, images et en profitent parfois pour militer sur des sujets qui leur tiennent à coeur, quels qu'ils soient.
Les "fanvids" sur Youtube pullulent également. Il s'agit de montages vidéo faits pour des fans pour d'autres fans qui racontent (ou non) une histoire en rapport avec le fandom choisi, le tout sur une musique. Dans l'univers du manga, on appelle aussi cela "AMV".
L'imagination des fan art est sans limites !
On les retrouve aussi sur DeviantArt, où se multiplient fan arts et portraits de leurs stars préférées, sans oublier petites BDs rigolotes et autres illustrations de fanfictions à succès. J'en oublierais les incontournables pages Facebook. Comme toujours sur le célèbre réseau social, les pages sont multiples et leurs sujets variés.
Parmi les stars à la mode actuellement, on remarquera la montée fulgurante de Tom Hiddleston, interprète de Loki dans les Avengers (quand on parle du loup) et de Benedict Cumberbatch, qui joue Sherlock dans la série éponyme de la BBC. Pas pour rien que ces deux-là se sont retrouvés en tête du classement des "Hommes les plus sexy de 2013" selon le magazine Empire ! On retrouve également Robert Downey Jr, les héros de Supernatural et Teen Wolf et il y a fort à parier que j'en oublie des tonnes.
Le phénomène fangirl semble ravager nos contrées, le virus se communiquant à une vitesse folle... Un film vu et trois fanfictions plus tard, la pathologie est déclarée ! Pourtant, chez nos lointains comparses, les japonais, le phénomène existe de manière plus ostentatoire depuis bien plus longtemps.
Les mangas et les jeux vidéo sont un peu la marque de fabrique du Japon, sans préjugés aucun. Ces domaines de prédilection ont notamment ouvert la voie aux cosplays ! C'est le raccourci de "Costume Player" et ça veut tout simplement dire que ces joyeux lurons aiment à se grimer comme leurs personnages favoris de mangas ou de jeux vidéos. Le cosplay donne même lieu à des concours lors de conventions ou d’événements spéciaux et la discipline a même gagné l'Europe et l'Amérique ! En se démocratisant, l'art du cosplay s'est beaucoup élargi et la discipline englobe désormais tout ce qui touche au déguisement du personnage de fiction, peu importe l'oeuvre d'où il est tiré.
Un cosplay très réussi de Géralt de Riv par Maul Cosplay
La discipline, à l'instar du Steampunk dont nous avons parlé précédemment, implique beaucoup de DIY, du "fait maison" comme un défi que s'imposent les cosplayeurs. Si certaines réalisations sont pour le moins bluffantes, d'autres frôlent le ridicule. Mais qui sommes-nous pour les juger, je vous le demande !
Après tout, le but reste de s'amuser et tant pis si, en toute objectivité, on ressemble autant au personnage de départ qu'à une bouteille ou un râteau. Malheureusement, comme toujours, les grosses firmes, devant l'ampleur du phénomène, se le sont réappropriés et de nombreux magasins "japonisants" proposent désormais des cosplays tout prêts, 100% polyester et 100% mal taillés. Seul point positif : il est plus facile de se trouver des perruques correspondant à son costume qu'auparavant et ceci à un prix abordable. Parce que dans certains cas, se laisser pousser les cheveux et les teindre en bleu en une nuit n'est pas chose aisée !
Ce qui est vraiment fantastique dans le phénomène fangirl, c'est à la fois son ampleur et la bonne ambiance qui semble y régner. Il n'est pas rare de voir plusieurs fandoms s'entraider... Même si cela peut paraître bizarre d'un oeil extérieur, parfois la mort d'un personnage affecte la communauté et les autres débarquent de nulle part pour remonter le moral. Ainsi, lorsque le fandom Glee a pleuré la perte de l'acteur principal Cory Monteith, les fandoms de Supernatural, Sherlock ou encore Doctor Who se sont manifestés pour témoigner leur soutien.
Cory Monteith, c'est lui !
Il va sans dire que chacun se renvoie tour à tour la balle. C'est une communauté étonnante, soudée et fondée sur le partage. L'autre truc qui me frappe vraiment et qui me séduit beaucoup dans cette espèce de fanatisme un peu puéril, c'est la formidable vague de créativité que cela engendre. GIFs animés, images, fanarts, fanfictions qui incitent tant à la lecture qu'à l'écriture, mais aussi création de cosplays (donc bricolages et/ou couture) sans oublier la fabrication artisanale de goodies autour du fandom. Sur Etsy, on peut trouver des dizaines de boutiques aux quatre coins du monde, vendant divers objets inspirés des fandoms.
Si le phénomène peut apparaître parfois un peu too much, si certaines fangirls virent un peu dans l'extrême (certaines vont jusqu'à analyser la scène de film dans ses plus petits détails, pour monter un argumentaire complet du pourquoi du comment untel agit ainsi et d'autres tombent littéralement amoureuses de ces personnages de fiction), si parfois notre attitude peut semble puérile, fantaisiste et un peu exagérée, il n'en demeure pas moins que la sensation d'appartenance à un groupe et le bonheur de créer en rapport avec le sujet reste, pour moi, le moteur principal et le coeur de la fan girl.
Un mouvement où chacun a sa place, dans le respect et la bonne humeur. Franchement, ça fait du bien de ne pas se sentir prise pour une folle en bavant sur la plastique parfaite d'un acteur ou en gagatisant sur un personnage ! Mais avec tout ça, j'en oubliais de vous dire... Si vous étiez un homme et que vous en pincez grave pour le capitaine Kirk ou le douzième Doctor, pas de panique ! Vous avez aussi un nom : les fanboys. Et vous savez quoi ? Les filles ne mordent pas.
Crédits photos :
Society 6
Youtube
Tumblr
Gala
A retrouver dans Noire numéro 2
Cliquez sur l'image pour le lire en version magazine
Comments