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Photo du rédacteurNoire Lemag

L'art nouveau

Par Cécile

Première parution août 2014




L'art nouveau, souvent confondu avec l'art déco, se distingue de tout ce qu'on a pu voir au cours du XXème siècle. Ses courbes, ses couleurs, son univers si caractéristique ne laisse pas indifférent. Il peut paraître extrêmement novateur, mais, également, lourd et vieillot. Il s'accompagne aussi d'une certaine idée de "La Belle Epoque", comme d'un moment riche, plein de bouleversements tant au niveau technologique que culturel et pendant laquelle, il y aurait eu une délicieuse ambiance, pleine de joie et d'insouciance.


Cependant, l'apparition de l'art nouveau ne s'est pas faite sans douleur. Vers 1895, les artistes sont conscients qu'avec le le XXème siècle approchant, une nouvelle ère allait commencer. L'art, à l'époque, n'était qu'une reproduction sans fin des œuvres antiques, sous le joug sévère du classicisme. A Vienne, plusieurs artistes, refoulés par l'Académie des Arts locale, se sont regroupés sous la férule d'un certain Gustav Klimt, afin de montrer au monde que ça suffisait comme ça, et que maintenant personne ne serait obligé de copier le passer pour s'exprimer ! C'est bien simple, comme une nouvelle époque pointait son nez, il était temps de mettre l'accent sur celle-ci, marquée sur l'industrie et l'avènement de la culture de masse. Pour eux, le classicisme n'était pas en phase avec les préoccupations de leur société. De cette idée est né l'Art Nouveau, comme une rupture avec les antiques façons de créer et d'imposer une autre vision.


L'aspect de l'Art Nouveau se distingue du classicisme de plusieurs façons. Premièrement, la nature y est omniprésente. Les travaux de Darwin y sont pour quelque chose, car, en liant l'homme aux autres espèces, un autre regard sur l'environnement se pose, comme si l'homme n'était plus responsable de ses actes, faisant partie d'un tout organisé. De plus, avec la présence des colonies aux quatre coins du globe, les voyages sont facilités et de nombreuses curiosités naturelles reviennent en Europe, source d'émerveillement et d'inspiration pour tout à chacun. L'Art Nouveau veut mettre en valeur cette nature qui est à la fois en nous et autour de nous, en lui rendant hommage, dans les formes et les représentations.



Crédits photo : Lorraine Tourisme (Intérieur de la Villa Majorelle à Nancy)


Deuxièmement, la femme y est présentée sous un jour nouveau, toujours femme-objet, bien sûr, mais aussi comme un vecteur de sensualité, présentant ses atouts et s'offrant au spectateur, avec une légèreté presque indécente pour l'époque. C'est aussi ça, l'Art Nouveau, c'est se libérer des conventions, s'enivrer de liberté et jouer avec les apparences. Evidemment, les artistes étant majoritairement des hommes, la femme s'empreint d'une dimension sexuelle puissante, afin de proposer un contre-poids au classicisme aux jeunes vierges effarouchées...


En France, on peut imaginer que Baudelaire a ouvert la porte à l'Art Nouveau lorsqu'il s'est mis à composer Les Fleurs du Mal, ces poèmes qu'on a tous lu, imprégnés d'une mélancolie suintante, décrivant une nature inquiétante, ainsi que les méandres obscurs de l'être humain.


Cette idée va aussi avec une époque tourmentée, où se mêle drogue et pauvreté, art et absinthe, cabarets et petites pépées... C'est également dans cet univers plutôt sombre, que l'on rencontre Sarah Bernhardt, célèbre actrice, haute en couleurs, qui cherche à se faire de la pub pour son nouveau spectacle. Elle trouve un artiste méconnu, Alphonse Mucha, qui fait des affiches publicitaires étonnantes. Celui-ci réalise un poster de toute beauté, qu'elle va adorer, transpirant l'Art Nouveau de toutes ses fibres. L'histoire raconte qu'elle l'aurait fait venir dans son boudoir, l'aurait pris dans ses bras et aurait dit "Mr Mucha, vous m'avez rendue immortelle".



Crédits photo : Orenco Originals


Révolutionnaires, les créations de Mucha feront des émules, et les publicités Art Nouveau traverseront les années pour être toujours célèbres aujourd'hui. L'Art Nouveau est bel et bien ancré dans son époque. A son apogée, il est présent partout, dans l'architecture, dans la décoration ou même dans la joaillerie. Chaque ville d'art européenne se devrait avoir son bâtiment Art Nouveau, comme le Castel Béranger à Paris, la villa Majorelle à Nancy ou encore le Palais de La Sécession à Vienne. Le style Art Nouveau se mêle à tout, et devient vraiment un adversaire redoutable du classicisme, en affichant ses courbes licencieuses à tout va.


C'est aussi devenu un art de vivre. Les gens aiment se retrouver au Maxim's à Paris, afin de voir et d'être vus dans cet environnement considéré à l'époque comme un symbole de la modernité. Les femmes portent des bijoux Lalique, façonnés en forme de fleurs ou ornementés d'arabesques de métaux majestueux. Les maisons se parent d'objets insolites, comme des lampes ressemblant à des fleurs ou des lits monumentaux en bois précieux... Après plusieurs années d'opulence, le summum de l'Art Nouveau est présenté à Paris, lors de l'Exposition Universelle, avec la construction du Grand et du petit Palais à cette occasion, sans oublier le fameux métro de Paris et ses bouches imaginées par Hector Guimard. L'Art Nouveau se décine partout.



Scène colorisée de l'Exposition Universelle 1900 à Paris, Crédits photo : Paris Unplugged


Victime de son succès, l'omniprésence de l'Art Nouveau commencent à en dégoûter certains comme par exemple, Adolphe Loos, qui s'insurge contre cette opulence décadente et décide de construire un bâtiment dépourvu de tout ornement : le Looshaus à Vienne. Pour lui, un bâtiment se doit d'être fonctionnel avant tout, la décoration ne devant être faite que dans ce but. Un autre des opposants fut Egon Schiele, qui ayant d'abord embrassé la mouvance, s'en est complètement désintéressé, pensant que l'art ne devrait pas être ornemental.


L'Art Nouveau peut être considéré comme une transition plutôt qu'un renouveau. Malgré sa volonté de faire sécession avec le classicisme et d'inviter l'art à toutes les tables, il n'a pas su s'imposer dans son siècle, sans doute à cause des crises boursières et de la première guerre mondiale, qui vont mettre fin à cette époque légère et sans lendemain. Finalement, l'Art Nouveau aura été comme une nuit d'amour, courte, mais agréable.



A découvrir dans le numéro 5

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