Par Dolorès
Crédits photo : LastFM
On n'écoute pas un groupe comme MENACE RUINE en fond, occupé à une quelconque tâche. On n'écoute pas Menace Ruine avec plus d'une seule autre personne et ce ne doit pas être n'importe laquelle. Cette expérience ne peut être réalisée dans certaines circonstances : une simple question de respect. MENACE RUINE est une présence à part entière, des requiems pour seule compagnie suffisent, pour seul accompagnement. Partager MENACE RUINE, c'est partager la part la plus fragile de soi-même.
Ce duo, formé en 2006, se compose de S. et Geneviève. Drone Doom experimental, Black Metal, ambiant, bruitiste, dissonant ? Impossible d'étiqueter ce groupe, sans passer par un essai de description de l'atmosphère dégagée. A la fois constamment en tension, comme une déchirure lente et régulière et un cocon chat et réconfortant.
J'avais considéré leur album Union of Irreconcilables comme leur apogée, valorisant nettement la présence poétique de Geneviève sur des titres comme The Upper Hand, There Will Be Blood ou Nothing Above Or Below, laissant à part des titres beaucoup plus Drone que je n'arrive à apprécier à leur probable juste valeur.
Néanmoins, voici venue 2014 et Venus Armata est tout simplement l'un des albums les plus éprouvants de mon existence. On a droit à sept titres qui rassemblent les heures les plus glorieuses du duo, exaltées et portées plus haut qu'on aurait pu l'imaginer. Les sonorités se font plus douces, et si un titre comme Red Sulphur, rappelle le passé du projet par sa rythmique plus marquée, son faux enthousiasme coloré, la part restante contraste beaucoup plus. On retrouve bien évidemment le chant envoûtant, à la fois délicat et extrêmement torturé de Geneviève, qui enfance son empreinte estampillée Menace Ruine sur toutes les compositions. Attention à ne pas confondre celui-ci avec des chanteuses communes, soupçonnées de proposer un chant original et intense mais qui n'atteignent pas la moitié le degré de force promis ici. Le chant d'une louve, il nous tourmente, on sait qu'il vient des tripes alors que notre raison ne comprend pas comment une voix aussi claire et simple peut être aussi violente.
Passés l'étrange Soften Our Evil Hearts et le dynamique Red Sulphur, on change immédiatement de registre. Malgré cela, l'ensemble de l'opus donne cette drôle d'impression d'avoir affaire à un recueil de chants de Noël. Non, je ne plaisante pas, et dans les sonorités qui font appel à notre imagination, on imagine sans difficultés une messe solennelle. Les cloches, la lenteur appuyée et le chant fluide et s'élevant n'aident pas.
Marriage in death, Belly of the Closed House ou le même titre éponyme, portent en eux ce silence des édifices de foi, même dans la mélancolie aussi purs que la confidence des croyants, aussi sombres qu'une danse macabre pour la fin à venir, un cortège funèbre pour commémorer les pleurs des mortels.
Underground one more,
J'entends sonner le glas
And the mourning of a mother.
Je me suis toujours demandée si les projets aussi percutants que celui-ci se rendaient compte du pouvoir qu'ils ont sur nos vies, à travers quelques dizaines de minutes seulement. Un album qui touche autant la raison que le coeur est une expérience extraordinaire. Par ailleurs, cela reste personnel, mais cet album me donne l'impression de s'adresser à moi directement, d'avoir été créé dans le simple but de me secouer, moi individuellement et à la fois tous les autres Moi cachés dans les individus qui ressentent la même chose, il reste entièrement compréhensible que ce ne soit pas le cas de tout le monde. Mais je vous le souhaite.
Aussi difficile qu'il soit de l'écouter, il semble empli d'une telle sagesse que tout autour pourrait bien disparaître, les plus beaux écrits comme les discours les plus pompeux. Ne restaient que ce vide mélodieux, ce silence rythmé, cette singulière manière qu'a MENACE RUINE de nous offrir ses artefacts les plus précieux.
Ecoutez Menace Ruine sur Bandcamp : https://menaceruine.bandcamp.com/
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Découvrez-les sur notre playlist Spotify : https://tinyurl.com/y6dadoug
A découvrir dans le numéro 6 de Noire
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Tags : #menaceruine, #dronedoommusic, #doom
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