Par Dolorès
Première parution juin 2015
Crédits photo : Obsession B
Jeune étudiante en médecine mais désabusée par une profession qu'elle admirait, Mary se trouve être prise dans l'attrait de l'argent facile. Ainsi, elle se retrouve plongée dans la chirurgie clandestine et des modifications corporelles.
Un scénario attrayant, de premières images efficaces et intrigantes, American Mary semble à première vue proposer une petite perle originale. Malheureusement, à l'issue du visionnage, les défauts du film l'emportent sur ses qualités et bien que n'étant pas un mauvais film, les petits détails s'ajoutent au fur et à mesure du film et peuvent décevoir.
Avec un scénario pareil, on s'attend à voir une jeune fille sexy et du sang, bien évidemment, mais il y avait tout à faire matière à créer un véritable pan psychologique à cette histoire, évoquer le pourquoi du comment, créer un contexte crédible et montrer l'évolution des personnages ou dévoiler leurs facettes qui puissent donner du fond et de la consistance à l'ensemble.
Il s'agit donc du premier point noir. Katharine Isabelle est une actrice formidable qui correspond tout à fait au rôle attendu, un personnage qui sait mettre en valeur le physique et l'attitude de l'actrice. Il faut dire que, quand on la connaît principalement pour Ginger Snaps (note de la bloggueuse : un film de 2001 qui traite de meurtres de chiens et de soeurs aux pensées morbides), le contraste est fort et surprenant. Mais à côté de cela, son personnage, dans American Mary, n'est pas assez poussé. On aimerait bien comprendre le pourquoi du comment, le processus de transformation dans son comportement apparaît comme plutôt brutal à l'écran et sans raison valable. On passe d'un extrême à un autre, rapidement, sans explication.
C'est un souci que poursuit malheureusement la majorité des personnages les plus intéressants du film. Entre la relation que Mary entretient avec un homme qui ne semble pas avoir sa place dans le film que pour cette relation et qui n'a que peu de profondeur, ou le personnage de Beatress, qui reste la petite touche de folie du film mais qui en reste là...
A cela s'ajoutent, selon moi, deux autres gros points noirs qui peuvent rendre le film décevant. D'abord vendu comme un film complètement glauque et gênant, un œil habitué n'y verra absolument pas la même chose. On nous vend le film comme étant à mi-chemin entre plusieurs styles horrifiques et autres, type Rape and Revenge ou Torture Porn et pourtant les scènes les plus gores restent assez superficielles ou trop bancales pour créer l'effet voulu.
On peut sincèrement trouver le film très soft. Les deux réalisatrices ne semblent pas savoir quelle voie choisir avec American Mary, tout en demie-mesure, entre garder un film qui puisse brasser un large public en étant pas trop difficile à voir, ou plonger l'ensemble dans un univers entièrement malsain.
Quand on connaît et apprécie ce qu'on appelle la culture alternative, il y a de grandes chances que le scénario porté par les modifications corporelles attise notre curiosité. Et là, c'est le drame. American Mary transporte une image de l'underground et des body modifications complètement hallucinante. Vus commes des "freaks", des personnes un peu tarées aux délires incompréhensibles, il est rare que ce soit vu de manière neutre à travers les différents cas rencontrés par Mary.
Cela tourne au risible lorsque certains éléments sont représentés d'une manière pas loin du "hey, regardez comme c'est hardcore" (tongue-split, implants et même le corset piercing), alors que quand on connaît un peu le milieu, on voit les mêmes types de modifications sur des personnes très saines d'esprit, cela ne fait pas d'eux des "freaks" ou autres termes insultants. C'est d'autant plus étonnant quand on réalise que les deux soeurs jumelles du film, addictes de "bodmod" et connues pour cela, sont en réalité les deux nanas réalisatrices qui viennent se mettre devant la caméra.
Crédits photo : Usa Today (les soeurs Soska, réalisatrices du film)
Sans que cela soit véritablement gênant, cela donne l'impression que toute l'histoire les concernant n'est en fait qu'un petit délire personnel tourné pour leur plaisir personnel et qui, en effet, n'apporte pas grand chose au film.
Dans tous les cas, il est aussi dommage qu'un des thèmes principaux du film soit aussi le plus maladroitement malmené.
Mais tout n'est pas à critiquer négativement dans American Mary. Quand on a compris qu'il n'y avait pas grand chose d'intéressant, niveau psychologie des personnages, à se mettre sous la dent, il ne reste qu'à apprécier le divertissement. Malgré cela, quelques personnages sont attachants, et l'atmosphère générale est ce qui rend le film tout de même bon. L'ambiance colorée, la vie nocturne, le noir et le rouge constants, ont tendance à rappeler Suspiria, un clin d'oeil dont on ne se plaindra pas. A cela s'ajoute le choix de lieux intimistes, de scènes très théâtrales dans leur mise en place, qui créent une atmosphère pesante, sans en être angoissante mais qui donnent son identité au film. Un véritable point positif cette fois.
Pour résumer, American Mary est intéressant dans son fond et sa forme mais assez maladroit sur des points dont on aurait attendu beaucoup. Son principal défaut est de rester à la surface d'un scénario, de personnages et de prétentions, de n'avoir pas osé pousser les choses pour rendre le film unique et marquant au-delà de son aura esthétique.
A découvrir dans le numéro 8 de Noire
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